Smic et cotisations retraite


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Smic et cotisations retraite

 La hausse du Smic de 2%, annoncée la semaine dernière a été critiquée pour sa modestie par la plupart des syndicats et par le Front de gauche. En revanche, le Medef a été plutôt soulagé par un coup de pouce qui «limite les risques à l’égard de l’emploi». La droite a donc dû trouver d’autres arguments pour critiquer la mesure. «C’est typiquement le sujet sur lequel nous, dans l’opposition, nous devons mettre les systèmes d’alarme en place, pour alerter les Français sur l’illusion d’optique», a ainsi commenté dimanche soir Jean-François Copé, invité du Grand Jury sur RTL et LCI. Explication du secrétaire général de l’UMP : «A compter du 1er juillet, il s’agit d’une augmentation, pour ceux qui sont au Smic, de 21 euros par mois net. Il faut que vous sachiez qu’à partir de septembre ou d’octobre, les Français vont voir sur leur feuille de paie une augmentation de leurs cotisations sociales pour payer le retour à la retraite à 60 ans pour ceux qui ont commencé à travailler à 18 ans. Cela représente 250 euros par an supplémentaires pour financer les cotisations retraite. Donc, si vous divisez par 12 vous n’êtes plus très loin des 20 euros. La vérité elle est assez simple, c’est que l’on donne d’un côté mais on reprend de l’autre. Et ça, il faut que les Français le sachent parce que ça va venir très très très vite.» Jean-François Copé résume alors son propos : «L’augmentation du Smic est simplement un effet d’annonce, puisque l’argent est repris quasi instantanément à quelques mois près dans les cotisations retraite augmentées pour les salariés.»

Mais les chiffres avancés par le patron de l’UMP font douter Jean-Michel Aphatie : «La moyenne que vous avez faite de 250 euros ne s’applique pas aux smicards. Je pense que votre parallélisme n’est pas tout à fait juste», dit l’interviewer. Réponse de Copé : «250 euros, c’est ce que devra payer un couple avec un salaire médian de 1 600 euros. On n’est plus très loin du Smic…» La suite tourne alors au dialogue un peu décousu, quand Jean-Michel Aphatie fait observer que le Smic est à 1 400 euros brut… et pas 1 600 euros net. Réponse embrouillée de Copé : «Oui, 1 400 euros brut par mois, je suis d’accord avec vous. D’accord, mais ça veut donc dire qu’une personne… là je vous parle d’un couple. Donc pour une personne seule, pour peu que son conjoint travaille, nous sommes exactement dans l’épure de ce que je dénonce, et que ça fait beaucoup de monde.»
DESINTOX

En matière d’«illusion d’optique», Jean-François Copé se montre dans ce cas de figure plutôt adroit. Car son raisonnement, en plus de se fonder sur un chiffre périmé, compare des situations et des périodes difficilement comparables.

Reprenons dans l’ordre, en commençant par ce qui est vrai, au début de la réponse, et concerne le niveau de la hausse du Smic annoncé la semaine dernière. L’augmentation de 2% correspond bien à 21,50 euros net mensuels pour les salariés à temps plein. Le Smic passe ainsi à 1 425,67 euros brut par mois (1 118 euros net). Dans le détail, deux tiers de la hausse correspondent à l’ajustement automatique lié à l’inflation, anticipé de six mois, et le dernier tiers (0,6 point) forme le véritable «coup de pouce», qui va au-delà de l’augmentation légale.

Mais quand Jean-François Copé tente de mettre en regard du Smic la hausse des cotisations, la machine à comparaison s’emballe. Le député de Meaux évoque en effet l’augmentation des cotisations retraites destinées à financer le retour à la retraite à 60 ans pour les personnes ayant commencé à travailler tôt. Et dégaine un chiffre tout rond : 250 euros par an supplémentaire. Une évaluation souvent répétée par les cadres de l’UMP, que l’on retrouve dans un «argu flash» du parti daté du 6 juin. Mais l’usage qu’en fait Jean-François Copé est doublement problématique. D’abord, il compare deux situations différentes. Dans un cas, un couple (deux revenus), dans l’autre un seul salaire. Dans un cas, 1 600 euros net, dans l’autre un Smic à 1 118 euros net. Le patron de l’UMP a beau trouver ça «pas très loin», cela fait au niveau du couple plus de 900 euros net d’écart de revenus par mois. Il omet par ailleurs de dire que l’augmentation était prévue pour monter en charge année après année : 250 euros ne correspondaient pas à l’automne 2012 mais au niveau de cotisation atteint en 2017.

Mais surtout, cette fameuse évaluation à 250 euros annuels est datée. En effet, elle était fondée sur le projet présidentiel de François Hollande qui prévoyait de financer la mesure via une hausse des cotisations salariales de 0,5 point, soit 0,1 point par an sur cinq ans (et autant pour les cotisations patronales). Mais le nombre de bénéficiaires étant moins élevé que prévu, le gouvernement a revu le financement du dispositif, annoncé le 6 juin : la hausse des cotisations n’est plus que de 0,25 point à horizon 2017, dont 0,1 la première année. Moitié moins au total. L’évaluation à horizon 2017 doit donc être divisée par deux…

Si Jean-François Copé veut vraiment comparer le différentiel, autant repartir sur les bons ordres de grandeur. Pour un salaire à 1 600 euros, le coût mensuel sera, en 2013, d’un peu moins de 2 euros, pour atteindre 5 euros en 2017. Soit pour un couple, environ 120 euros annuels à la fin. Et pour un Smic, la hausse de 0,1 point des cotisations sociales coûtera l’an prochain 1,42 euro mensuel au salarié (1)… à mettre en regard de la hausse du salaire minimum de 21,50 euros en vigueur depuis dimanche.

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